Sélectionnée parmi les Top 40 Canadiens performants et influents de moins de 40 ans, nommée Personnalité de l’Année Culture 2018 par le Journal La Presse, récipiendaire du Prix Relève Femme d’exception 2019 et plus, qu’est-ce qui rends cette femme accomplie le plus fière ?
« Quand je suis arrivée au Canada il y a 20 ans, une jeune femme noire, actrice, avec un accent, on ne savait pas vraiment quoi faire de moi. C’était une autre époque. », admet-elle. « À ce moment-là, ce que j’ai voulu faire c’était d’amener des films haïtiens ici. Ce que je me suis dit c’est qu’à travers ce véhicule, les gens vont pouvoir comprendre ce que je peux apporter sur l’échiquier culturel canadien ». Elle se rappelle qu’à l’époque, les festivals n’étaitent pas ouverts à ces films et ils ne voulaient pas les prendre.
« Plusieurs m’ont suggéré de changer de voie, de faire autre chose et j’aurais sûrement pu réussir dans d’autres domaines, car ma devise est que je serai un succès, peu importe ce que j’entreprendrai. Toutefois, j’ai pensé aux autres, comme moi, qui souhaitent percer dans ce domaine, comment vont-ils faire eux ? Et c’est là que j’ai fait le choix de changer cette injustice-là, au-delà de mon propre succès individuel ». Femme ambitieuse et fidèle à ses valeurs, elle affirme que c’est donc à travers ses actions qu’elle cherche à changer le monde.
La Fondation Fabienne Colas se consacre à la promotion de la diversité et de l’inclusion dans le cinéma, les arts visuels et la culture au Canada comme à l’étranger. Quelle évolution souhaiterait Mme Colas voir dans le milieu dans les cinq prochaines années?
L’initiative philanthropique de Fabienne Colas date de son temps pré-immigration. En effet, sa Fondation existait déjà en Haïti, avec une mission complètement différente, souligne-t-elle.
« Quand je suis arrivée ici et que j’ai vu ce manque d’inclusion, je me suis dit qu’il fallait recréer la Fondation avec comme mission l’inclusion dans les arts, et aujourd’hui cette mission s’est élargie à la société en général. Je considère que nous avons fait beaucoup de chemin dans les dernières années sur la sensibilisation à l’importance de la diversité et de l’inclusion. Il y beaucoup d’entreprises qui ont des quotas de diversité, mais où sont ces personnes dans les organisations ? ». Comme plusieurs, elle se pose la question : « Est-ce que la diversité est visible dans des postes de responsabilité ou derrière la caisse ? » Son souhait ? : « J’aimerais que dans cinq ans, on soit plus avancé par rapport à ces questions-là ».
La diversité, l’équité et l’inclusion sont au cœur des discussions des organisations d’aujourd’hui. Quels conseils a-t-elle pour les gens d’affaires qui souhaitent faire progresser leur organisation ?
« Je pense qu’on a tous les jours la possibilité de faire une différence. On dit souvent que la diversité est un fait et que l’inclusion est un choix : dans chaque chose que l’on fait, on décide si c’est de l’inclusion ou pas. Tous les jours, on a l’opportunité de changer le monde par nos choix. ».
Reconnaissante et pensive, elle ajoute : « Quand on a la chance de mettre notre grain de sel, pourquoi ne pas arriver avec de la diversité, avec autre chose de rafraîchissant. Si on te demande de proposer trois choix, pourquoi ne pas proposer trois choix parmi la diversité ? Pour moi, ça c’est changer le monde, faire les choses autrement et essayer d’ouvrir les œillères de tout le monde. »
Fabienne Colas a dit « SUCCESS doesn’t just HAPPEN, it’s PLANNED ». De toute évidence, cette formule l’a bien réussi, quels sont ses prochains plans ?
Elle avait une vision claire et « à toute épreuve » au départ mais pas de plan d’affaires comme tel. Ses plans ont plutôt grandi organiquement à travers la demande et le succès grandissant. Ce n’est que plus tard, lorsque la demande est arrivée et que les défis sont devenus plus grands, qu’est venu le plan. « On ne pouvait pas juste donner espoir aux gens et que ça tombe. On s’est assis avec des partenaires pour développer et aller plus loin. Honnêtement, tout ce qu’on a fait comme plan, ça va beaucoup plus vite et beaucoup plus loin que ce que nous avions prévu. Je n’étais même pas assez folle dans mes prévisions ! » Elle ajoute qu’au-delà du plan, il est primordial d’avoir une vision pour aller plus loin, même seul « il faut y croire ! Il faut avoir la force de sa conviction, sans avoir peur de se tromper. ».
Qu’est-ce qui a poussé la femme avec un futur vraisemblablement déjà placé à poursuivre ses études en 2019 pour un EMBA ?
« C’est bizarre à dire car vingt ans plus tôt, je finissais mes études secondaires en Haïti et je rêvais d’aller poursuivre mes études dans une université américaine. ». À l’époque, sa famille n’avait pas les moyens de lui payer cette scolarité, elle a donc appliqué à divers endroits pour recevoir une bourse.
« Finalement, j’ai été acceptée pour une demi-bourse, mais là encore, c’était vraiment au-dessus de nos moyens. Donc j’ai passé un an à faire campagne pour obtenir le montant nécessaire et je n’y ai pas réussi. », se remémore-t-elle. « Vingt ans plus tard, ce sont les universités McGill et HEC-Montréal qui me donnent une demi-bourse pour aller faire mon MBA exécutif et donc, j’ai fait mon EMBA alors que je n’avais même pas complété mon niveau au baccalauréat, ce qui est très rare ! Toute ma vie, j’ai voulu être en administration des affaires, je n’ai pas pu le faire à ma sortie de l’école secondaire, mais l’univers avait un plus grand plan pour moi et m’a récompensé malgré tout, comme si je n’avais pas perdu ce temps-là. L’EMBA a été fantastique et ça a changé ma vie en transformant ma perspective sur les choses et m’a ouvert l’esprit. »
Une célèbre citation de Maya Angelou dit : "People will forget what you said, people will forget what you did, but people will never forget how you made them feel.” Quelle trace voudrait-elle laisser auprès des gens qu’elle côtoie ?
Accomplie mais toujours humble, elle affirme que ce n’est pas ce à quoi elle pense lorsqu’elle est dans l’action. « La rétroaction que j’ai reçue jusqu’à maintenant est en concordance avec ce que je voudrais que les gens ressentent. Les gens me disent qu’il n’y a rien à mon épreuve, que rien ne va me faire baisser les bras une fois que j’ai décidé d’aller au bout de quelque chose et ça, ça inspire des personnes à rêver un plus grand rêve ou à pousser un petit peu plus fort. Ce que je veux, c’est que les gens voient que cette fille n’abandonne pas, ne baisse pas les bras et qu’elle va aller jusqu’au bout de ses projets. », conclut-elle.
Les propos de Fabienne Colas ont été édités par soucis de concision.