Plus jeune, qu’est-ce qui vous attirait dans le milieu de la finance?
Je n’étais pas attirée par la finance, mais par l’actuariat. J’ai commencé ma carrière à La Solidarité dans un poste junior d’actuaire. L’Industrielle Alliance a acheté La Solidarité, et j’ai eu la chance de bifurquer en investissement. J’ai décidé de prendre le risque parce que l’équipe semblait géniale, et l’emploi me paraissait très intéressant. Il n’y avait pas beaucoup de femmes en investissement. Pour certaines, c’est épeurant, mais pour moi, c’était une raison de plus d’y aller.
Le milieu de la finance a eu la réputation d’être peu accueillant pour les femmes. Est-ce encore le cas aujourd’hui?
On ne se le cachera pas : ce milieu exige beaucoup d’heures de travail et il est très compétitif. C’est difficile autant pour les hommes que les femmes.
Mais il y a eu des avancées depuis mon arrivée. Les conditions de travail sont meilleures, et le climat plus favorable. Quand j’ai commencé, j’étais négociatrice et j’étais sur un pupitre de trading. Il fallait être capable d’envoyer promener tout le monde. J’étais cliente, alors j’étais bien traitée, mais pour beaucoup de femmes, ce n’était pas facile. Aujourd’hui, ce n’est plus comme cela.
En 2011, vous faites le saut à la CDPQ. Pourquoi?
À l’Industrielle Alliance, j’avais un beau parcours. Je relevais d’un vice-président, Michel Tremblay, que j’adorais. Je ne cherchais pas, mais ce qui m’a attirée, c’était la qualité de l’expertise. Je rêvais aussi de travailler pour un employeur qui me permettrait de me développer continuellement.
Après votre arrivée à la CDPQ, vous vous inscrivez en 2013 au programme de MBA offert conjointement par HEC Montréal, la Vlerick Business School, en Belgique, et l’Université Saint-Gall, en Suisse. Ce diplôme vous a-t-il permis de progresser dans votre carrière?
Oui. J’occupais déjà un poste très senior, celui de vice-présidente, Gestion des risques, Revenus fixes. Je devais avoir du leadership parce que je dirigeais des gens avec des caractères très forts. Le MBA m’a permis de me développer en tant que leader. J’ai aussi acquis une meilleure perspective stratégique de la CDPQ.
La progression s’est davantage traduite dans les projets que j’ai réalisés. J’ai réussi à changer de classe d’actifs après cinq ans, celle des marchés boursiers, et j’ai hérité de la gestion de l’équipe de l’analyse transactionnelle. Avec ces changements, je devais démontrer la même crédibilité que j’avais quand je suis arrivée aux revenus fixes. Le MBA m’a permis d’avoir l’assurance que je pouvais répéter une recette dans un milieu où j’étais moins reconnue comme une experte.
Avez-vous obtenu du soutien de femmes pour cheminer dans votre carrière?
À la Caisse, il y a Maarika Paul, [première vice-présidente et cheffe de la Direction financière et des Opérations]. Elle a été ma mentore. De pouvoir échanger avec elle en toute confiance et en toute ouverture m’a grandement aidée. J’ai aussi pu m’entretenir de mon plan de développement avec Kim Thomassin, [première vice-présidente et cheffe, Québec de la CDPQ].
Sinon, une personne qui va toujours rester dans mon cœur, c’est Michel Tremblay, mon patron à l’Industrielle Alliance.
Avez-vous aidé des femmes à faire leur place dans le milieu de la finance?
J’ai fait beaucoup de mentorat dans le passé, notamment pour l’Association des femmes en finance du Québec. J’ai aussi fait des rencontres dans les universités pour montrer un visage féminin du milieu de la gestion de risque et de l’investissement. Aujourd’hui, je m’implique dans le programme de mentorat de la CDPQ.
Étant donné que j’occupe un poste senior à la Caisse, il y a beaucoup de femmes qui me sollicitent pour discuter de leur cheminement. Je fais beaucoup de mentorat informel avec ces jeunes femmes. Je cherche à être solidaire avec elles.
Avez-vous des modèles féminins?
J’aime beaucoup Sophie Brochu. Elle a une façon extraordinaire de communiquer. Elle démontre une assurance et une détermination. Michelle Obama m’inspire aussi beaucoup. Elle dégage une belle bienveillance.
Un conseil pour les femmes qui veulent faire une carrière comme la vôtre?
De se faire confiance et de ne pas attendre de cocher toutes les cases de la liste avant de faire un saut.
Marie-Eve Shaffer — 37e AVENUE
*Les propos de Dominique Vézina ont été édités par souci de concision.